Toute homme a une telle conscience[1] et se trouve observé, menacé et, en général, tenu en respect (un respect lié à la crainte) par un juge intérieur et cette puissance qui veille en lui sur les lois n'est pas quelque chose de forgé (arbitrairement[2]) par lui-même, mais elle est inhérente à son être. Elle le suit comme son ombre quand il pense lui échapper. Il peut sans doute par des plaisirs ou des distractions s'étourdir ou s'endormir, mais il ne saurait éviter parfois la voix terrible. Il est bien possible à l'homme de tomber dans la plus extrême abjection[3] où il ne soucie plus de cette voix, mais il ne peut jamais éviter de l'entendre.
Kant (1724-1804), Métaphysique des mœurs (1795)
[1] Conscience morale
[2] Qui dépend de la seule volonté sans être lié à l’observation de règles communes
[3] Caractère dégradant et honteux