Il est du devoir du magistrat civil d’assurer, par l’impartiale exécution de lois équitables, à tout le peuple en général, et à chacun de ses sujets en particulier, la possession légitime de toutes les choses qui regardent cette vie. Si quelqu’un se hasarde de violer les lois de la justice publique, établies pour la conservation de tous ces biens, sa témérité doit être réprimée par la crainte du châtiment, qui consiste à le dépouiller, en tout ou en partie, de ces biens ou intérêts civils, dont il aurait pu et même dû jouir sans cela. […].
Ce n’est pas la diversité des opinions, qu’on ne saurait éviter, mais le refus de la tolérance qu’on pourrait accorder, qui a été la source de toutes les guerres et de tous les démêlés qu’il y a eu parmi les chrétiens, sur le fait de la religion. Les chefs et les conducteurs de l’Eglise, remplis d’avarice et d’un désir insatiable de domination, se prévalant de l’ambition des souverains et de la superstition crédule des peuples inconstants, les ont animés et soulevés contre ceux qui n’adoptaient pas leurs opinions, en leur prêchant, contre les lois de l’Évangile et de la charité chrétienne, qu’il fallait priver de leurs biens les hérétiques[1] et les schismatiques[2], et les exterminer entièrement ; et c’est ainsi qu’ils ont mêlé et confondu, deux choses tout à fait différentes, l’Église et l’État ».
Locke (1632-1704), Lettre sur la tolérance (1686)
[1] Les croyants qui ne reconnaissent pas les dogmes officiels de l’Eglise
[2] Par exemple les Eglises orthodoxe et protestante qui se sont séparées de l’Eglise catholique