Les mots de liberty ou de freedom désignent proprement l’absence d’opposition (j’entends par opposition les obstacles extérieurs au mouvement), et peuvent être appliqués à des créatures sans raison ou inanimées, aussi bien qu'aux créatures raisonnables. Si en effet un chose quelconque est liée ou entourée de manière à ne pouvoir se mouvoir, si ce n'est à l'intérieur d'un espace déterminé, délimité par l'opposition de quelque corps extérieur, on dit que cette chose n'a pas la liberté d'aller plus loin.

C'est ainsi qu'on a coutume de dire des créatures vivantes, lorsqu'elles sont emprisonnées ou retenues par des murs ou des chaînes, ou de l'eau lorsqu'elle est contenue par des rives ou par un récipient, faute de quoi elle se répandrait dans, un espace plus grand, que ces choses n'ont pas la liberté de se mouvoir de la manière dont elles le feraient en l'absence de ces obstacles extérieurs.[.]

Quand, au contraire, les, mots de libre et de liberté sont appliqués à autre chose que des corps, c'est un abus de langage. En effet, ce qui n'est pas susceptible de mouvement n'est pas susceptible de se heurter à un obstacle.

Donc, quand on dit, par exemple : la route est libre, on n'évoque pas par là une liberté qui appartiendrait à la route, mais celle des gens qui y passent sans se trouver arrêtés. Et quand on parle d'un libre don, on n'entend pas parler d'une liberté que posséderait le don lui-même, mais de celle du donateur, qui n'était pas tenu de le donner par l'effet d'une loi ou d'une: convention.

Hobbes (1588-1679), Léviathan (1651)