• La nature a placé l’humanité sous le gouvernement de deux maîtres souverains, la douleur et le plaisir. C’est à eux seuls qu’il appartient de signifier ce que nous devrions faire, comme de déterminer ce que nous ferons. D’un côté, le modèle du bien et du mal, de l’autre la chaîne des causes et effets, sont rivés à leur trône. Ils nous dirigent dans tout ce que nous faisons, dans tout ce que nous disons, dans tout ce que nous pensons : tout effort que nous pourrions faire pour nous libérer de notre sujétion, ne servira qu’à la souligner et à la confirmer. En paroles, un homme peut prétendre abjurer leur empire : mais, dans la réalité, il demeurera leur sujet pour toujours. Le principe d’utilité recueille cette sujétion, et la pose en pierre angulaire d’une doctrine dont le but est d’édifier un monument du bonheur des hommes par le biais de la raison et de la loi. [.]
  • Par principe d’utilité on désigne un principe qui approuve ou désapprouve toute action, en fonction de son aptitude apparente à augmenter ou diminuer le bonheur de la partie dont l’intérêt est en jeu ; ou, ce qui revient au même mais en d’autres termes, à favoriser ou à contrarier ce bonheur. Je dis bien, de quelque action que ce soit, donc non seulement de chaque action d’un simple particulier, mais également de toute mesure d’un gouvernement.
  • la communauté est un être fictif, composé de l’ensemble des individus, considérés comme constituant en quelque sorte ses membres. L’intérêt de la communauté est alors : la somme des intérêts de chacun de ses membres.

Bentham (1748-1832), Introduction aux principes de la morale et de la législation (1780)