Ne peut-il exister de gouvernement où ce ne seraient pas les majorités qui trancheraient du bien ou du mal, mais la conscience? Où les majorités ne trancheraient que des questions justiciables de la règle d’opportunité? Le citoyen doit-il jamais un instant abdiquer sa conscience au législateur? A quoi bon la conscience individuelle alors? Je crois que nous devrions être hommes d’abord et sujets ensuite. Il n’est pas souhaitable de cultiver le même respect pour la loi et pour le bien. La seule obligation qui m’incombe est de faire bien. On a dit assez justement qu’un groupement d’hommes n’a pas de conscience, mais un groupement d’hommes consciencieux devient un groupement doué de conscience. La loi n’a jamais rendu les hommes un brin plus justes, et par l’effet du respect qu’ils lui témoignent les gens les mieux intentionnés se font chaque jour les commis de l’injustice.

Thoreau (1817-1862), La désobéissance civile (1849)